Critique du roman Espèces de Ying Chen
Les mots en folie

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Critique du roman Espèces de Ying Chen

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Critique du roman Espèces de Ying Chen

Si vous vous transformiez en chat en l'espace d'une nuit, qu'arriverait-il? C'est la question que s'est posée l'autrice sino-québécoise Ying Chen. Mis à part l'aspect irréaliste de la chose, l'interrogation demeure. L'humain préfère-t-il son semblable ou son animal de compagnie? L'écrivaine expose avec succès dans Espèces le rapport insensé entre une femme mal-aimée en tant qu'épouse, mais adorée en tant que chatte. Le mari, professeur d'anthropologie, sépare son temps entre des ossements de cadavres et la peluche vivante qu'est la protagoniste de l'histoire. Il est incapable d'entretenir des relations saines avec les femmes, que ce soit son épouse ou sa nouvelle copine. Narcissique, il cherche l'attention et l'admiration de ses partenaires amoureuses sans prendre leurs besoins en considération. Il exige l'entière soumission des autres au point où il choisit les morts et un petit animal docile plutôt que la compagnie humaine. Avec ses semblables, il parle sans cesse, et toujours de lui-même.


 

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. À la pâtisserie du coin, on donne du jambon et du poisson à la petite chatte en se disant que l'animal est le substitut de l'enfant qu'on n'a pas eu. Elle est dorlotée comme bien des petits humains ne le sont pas. Les hommes et les femmes la traitent avec plus de respect qu'ils ne s'en accordent mutuellement. Ying Chen brosse donc un tableau réussi du mépris généralisé dans la société et, en contre-partie, de l'importance démesurée donnée aux bêtes domestiquées.


 

Par contre, le récit avance lentement, très lentement. L'autrice se répète abondamment, utilise de nombreux synonymes et davantage de paraphrases. L'intrigue, presque entièrement psychologique, perd de sa saveur à mesure qu'on tourne les pages. Les derniers chapitres offrent un peu plus d'action, mais le caractère irréaliste de la métamorphose vient déclencher des questionnements sur la nature du texte qui embêtent le lecteur. Est-ce de la science-fiction ou est-ce un roman philosophique? Peut-être les deux à la fois. Mais le mélange des deux genres discrédite les pensées de l'animal, qui sont pourtant l'essence même du récit.


 

En somme, malgré la brillante démonstration d'un manque flagrant d'amour entre les membres de l'espèce humaine et le report malsain de cette affection sur la race féline, Espèces de Ying Chen reste un roman moyen. Le sujet est efficace, mais la lenteur de l'action rebute le lecteur, ce qui n'en fait pas un des meilleurs romans de l'autrice qui nous a pourtant donné le chef-d’œuvre La mémoire de l'eau.


 

(Attention! Voilà mon avis. Rien ne vous empêche de lire le livre à votre tour pour vous forger votre propre opinion.)



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