Bataille historique dans Arthabaska: une analyse objective
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Bataille historique dans Arthabaska: une analyse objective

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Bataille historique dans Arthabaska: une analyse objective

Bataille historique dans Arthabaska : une analyse objective

Le 18 mars dernier, la démission du député Éric Lefebvre a ouvert une brèche inattendue dans un château-fort de la Coalition Avenir Québec. Moins de cinq mois plus tard, cette fissure s’est transformée en séisme politique. Le Parti québécois, donné perdant il y a encore deux ans, a remporté haut la main la partielle d’Arthabaska, reléguant le Parti libéral et la Coalition Avenir Québec au 3e et 4e rang respectivement. C’est plus qu’un changement de député, c’est un signal clair et puissant envoyé aux partis et aux chefs de la part de l’électorat. Notre paysage politique n’est plus figé et la confiance des citoyens peut basculer aussi vite que les résultats d’une partielle d’un soir d’août.

Le Parti québécois vit actuellement une résurrection politique qui surprend même ses plus fervents militants. Lors des dernières élections générales, relégué au rang de troisième parti de l’opposition, avec 14,6% des voix et seulement trois sièges, le PQ a su capitaliser sur un leadership clair et une stratégie méthodique sur le terrain pour redevenir, selon les derniers sondages, la première force politique du Québec.

Sous le leadership de Paul St-Pierre Plamondon, le parti a multiplié les bons coups. Sa clarté idéologique, qui consiste en un discours souverainiste assumé, mais recentré sur les enjeux quotidiens comme le coût de la vie, la santé et l’environnement, lui a permis de séduire au-delà de sa base historique. Ses victoires électorales, dans Jean-Talon (2023), Terrebonne (mars 2025) et Arthabaska (août 2025), trois élections partielles remportées coup sur coup, ont illustré une capacité de conquête dans les châteaux-forts adverses. Sa cohésion interne, démontrée lors d’un vote de confiance de 98,5% pour Paul St-Pierre Plamondon en 2023, est un gage d’une discipline de parti rare à l’ère moderne. L’image personnelle de PSPP a cultivé le portrait d’un chef intègre, articulé et à l’écoute, contrastant avec le cynisme ambiant.

Mais le parcours n’a pas été exempt de mauvais coups pour le PQ. La communication parfois professorale, si elle plait aux convaincus, peut paraitre distante pour certains électeurs moins politisés. La gestion des priorités pour le PQ se doit d’éviter que la question référendaire prenne toute la place et éclipse les dossiers socio-économiques. Les expositions limitées hors des grandes batailles électorales pour le PQ entre deux campagnes fait en sorte que la couverture médiatique peut s’essouffler.

Sur le plan des sondages depuis la dernière élection générale de 2022, la progression du Parti québécois est constante. 2022 : 14,6%, 2023 : 20% après l’élection partielle dans Jean-Talon, 2024 : 30 à 33%, le PQ reste toujours premier dans les intentions de vote, 2025 : 31 à 33% avant l’élection partielle dans Arthabaska avec une avance stable sur ses rivaux.

Cette remontée au cours des trois dernières années s’explique par une stratégie simple mais disciplinée : occuper le terrain, incarner une alternative crédible et rester cohérent dans son discours. Le défi du PQ pour les prochains mois sera de transformer cette popularité en un programme électoral concret capable de convaincre l’électorat plus pragmatique que la souveraineté peut être synonyme de prospérité.

Du côté du Parti conservateur, Éric Duhaime est devenu le nouveau chef en 2021 et, depuis son accession à la tête du parti, il a réussi un pari que peu jugeaient possible : transformer une formation politique marginale en un acteur médiatique incontournable. En 2022, malgré une campagne électorale dynamique, le parti a récolté 12,9% des voix, mais aucun siège, révélant une des faiblesses majeures de notre système électoral ainsi qu’une difficulté importante à convertir l’appui populaire en un gain parlementaire.

Parmi les bons coups d’Éric Duhaime et du PCQ, on peut citer sa visibilité médiatique constante. Éric Duhaime, ex-animateur de radio, maîtrise les codes du débat public et sait provoquer l’attention médiatique, même hors période électorale. Son discours tranché sur la taxe carbone, la liberté de choix automobile ou la bureaucratie en santé occupe un créneau populiste qui parle directement à une base électorale fidèle. Son ancrage numérique et son utilisation efficace des réseaux sociaux pour mobiliser rapidement lui permet de contourner les canaux médiatiques traditionnels.

Mais le PCQ présente aussi des faiblesses. Aucun de ses candidats n’a été élu à l’Assemblée nationale, même après la partielle dans Arthabaska en août 2025 où Éric Duhaime était lui-même candidat et a obtenu 35% des voix. Il reste toujours sans siège, une faiblesse symbolique importante pour un chef de parti. Et c’est sans oublier qu’Éric Duhaime est très polarisant. Son style direct séduit ses partisans, mais repousse une large frange de l’électorat qui le juge trop radical ou conflictuel. Il est d’ailleurs impliqué dans nombre de controverses et allégations de désinformation. Pendant la campagne d’Arthabaska, le PQ a publiquement dénoncé plusieurs de ses affirmations comme étant fausses ou trompeuses, ce qui a alimenté la perception d’un discours approximatif. De plus, sa concentration thématique lui nuit grandement. Focalisé sur certains enjeux (taxes, restrictions sanitaires, climat économique), le PCQ peine à présenter un programme complet et équilibré.

Sur le plan des sondages, l’évolution du PCQ est plus erratique que celle du PQ. 2022 : 12,9%. 2023 à 2024 : oscillant entre 10 et 15%. Début 2025 : Légère hausse lors des débats sur le coût de la vie et les taxes, mais sans dépasser la barre des 16% à l’échelle provinciale. Août 2025 dans Arthabaska : 35% localement, mais toujours aucune percée nationale majeure.

En résumé, le PCQ sous Éric Duhaime est passé d’un parti marginal à une force d’opinion bruyante et structurée, mais qui n’a pas encore franchi l’obstacle essentiel, soit transformer l’appui populaire en pouvoir réel à l’Assemblée nationale. Pour réussir, il se doit d’élargir son spectre de propositions, adoucir son image auprès des électeurs les plus modérés et trouver un terrain d’entente avec eux au-delà de sa base idéologique.

En ce qui a trait au Parti libéral du Québec et son nouveau chef Pablo Rodriguez, le parti traverse depuis plus d’une décennie une trajectoire oscillant entre pouvoir et déclin. Après le long mandat de Jean Charest, entre 2003 et 2012, marqué par des scandales de corruption révélés par la Commission Charbonneau ainsi que la crise sociale du printemps érable de 2012, le PLQ arrive affaibli à l’élection de la même année. La population, exaspérée par des promesses brisées et une gouvernance jugée répressive, affiche un taux de mécontentement record. Le retour au pouvoir du PLQ avec Philippe Couillard comme premier ministre entre 2014 et 2018 redresse les finances publiques grâce à des coupures sévères en santé et en éducation et des hausses fiscales qui ont créé une austérité partout au Québec, ce qui lui a valu une image d’efficacité froide et déconnectée du quotidien des familles. Philippe Couillard se présente comme le chirurgien capable de soigner les finances du Québec, mais cette métaphore médiocre s’est retournée contre lui : son gouvernement a été décrit par plusieurs commentateurs comme un gouvernement géré par des médecins pour des médecins. À cela s’ajoute un moment symbolique désastreux pour son image : la sortie sur le coût de l’épicerie. Philippe Couillard avait affirmé qu’une famille pouvait très bien s’alimenter avec 75$ par semaine, ce qui, dans un contexte de hausse du coût de la vie, a été perçu comme une preuve de déconnexion avec la réalité quotidienne des Québécois. Cette phrase est restée gravée comme un exemple de la distance entre son discours technocratique et l’expérience des citoyens.

De plus, la législation controversée sur la neutralité religieuse (loi 62) distancie aussi l’électorat. Cette loi, officiellement intitulée Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État, a été adoptée par le gouvernement Couillard en octobre 2017. Elle visait à encadrer la laïcité de l’État québécois, mais son contenu et ses effets ont suscité de vives critiques. Majoritairement, les Québécois soutenaient la loi, mais critiquaient son flou. Selon les sondages de 2017-2018, une majorité de Québécois (autour de 70%) appuyaient l’idée d’un visage découvert pour recevoir des services publics. Mais beaucoup jugeaient la loi mal conçue et bricolée, trop faible pour les uns, inutilement polémique pour les autres. La perception du ciblage dans plusieurs communautés, notamment musulmanes et juives, pour qui la loi a été ressentie comme une attaque directe qui alimentait la méfiance et l’exclusion, a divisé la société. D’un côté, des citoyens voyaient la loi comme une affirmation légitime des valeurs communes de l’État québécois; de l’autre, une partie de la population la percevait comme une tentative électorale et comme une loi qui s’attaquait à une minorité très marginale.

Après la défaite électorale de 2018, qui laisse le PLQ fragilisé et réduit à une base surtout montréalaise et anglophone, Dominique Anglade devient un visage de renouveau potentiel. D’abord élue en 2015 comme députée libérale, elle se positionne dès 2018, comme une figure montante dans le parti vieillissant et en quête d’identité. En 2020, elle fait l’histoire en devenant la première femme et la première personne issue de la diversité à diriger le Parti libéral du Québec. Cette succession était en soi un symbole fort offrant au PLQ l’occasion de se présenter comme un parti moderne, inclusif et tourné vers l’avenir. Dominique Anglade n’a jamais caché que son identité faisait partie intégrante de son leadership. Femme, d’origine haïtienne, ingénieure de formation, elle mettait souvent en avant ce profil comme illustration concrète du Québec pluraliste qu’elle voulait défendre. Suite à l’élection de 2022, sous sa direction, le PLQ tombe à 21 sièges, son pire résultat historique, concentré presque exclusivement à Montréal et en Outaouais. Dominique Anglade démissionne rapidement, reconnaissant qu’elle n’avait pas réussi à rassembler ni les électeurs ni son propre caucus. Par la suite, son héritage pèse sur les sondages entre 2022 et 2024. Le parti reste entre 10 et 12% dans les intentions de vote.

Sous l’intérim de Marc Tanguay, la perception demeure : un PLQ déconnecté des francophones et incapable de parler aux régions. En 2024, suite au départ de l’ancien ministre fédéral Pablo Rodriguez du gouvernement fédéral, cela marque le début d’une relance stratégique pour le Parti libéral du Québec. Son objectif est de redonner une crédibilité et un réseau public, mais il hérite d’un parti fragilisé et divisé avec une base francophone faible et une jeunesse peu mobilisée.

Parmi les bons coups de Pablo Rodriguez et du PLQ, citons sa crédibilité fédérale et son réseau solide. Pablo Rodriguez mobilise contacts et ressources fédérales pour soutenir le PLQ au provincial. La réorganisation interne du parti, la clarification du programme, la modernisation de la communication et la reconstruction de la confiance auprès des électeurs francophones sont autant de points forts amenés par Pablo Rodriguez. Sa volonté d’inclusion et de modernisation lui permettent de poursuivre ses efforts pour séduire les jeunes et les régions avec un accent sur les dossiers sociaux et économiques.

D’un autre côté, le PLQ présente aussi des faiblesses. Les faibles sondages, oscillant entre 10 et 22%, le place derrière le PQ avec au moins 30% et la CAQ, au moins 20%. L’image parachutée de Pablo Rodriguez et, surtout, sa nomination comme chef, est perçue par plusieurs comme une décision imposée par la direction du parti plutôt qu’un choix issu de la base militante. Ce manque de consultation alimente la méfiance chez certains membres, surtout en région, et renforce l’idée qu’il n’est pas enraciné dans les réalités quotidiennes des électeurs francophones. La base régionale fragile du PLQ reste surtout à Montréal, qui est un vrai bastion, ainsi qu’en Outaouais. Cependant, la reconquête des régions et des anciens bastions urbains est lente. L’absence d’élan médiatique fort est démontré par le fait que, malgré sa notoriété, Pablo Rodriguez peine à générer un engouement et un récit captivants autour du PLQ.

Les sondages sont le miroir des forces et des faiblesses du PLQ après avoir dominé la scène politique pendant des décennies. Le PLQ est tombé à son plus bas niveau historique depuis 2018, notamment sous la gouverne de Dominique Anglade. L’arrivée de Pablo Rodriguez insuffle une bouffée d’air frais et une certaine stabilisation, mais les sondages révèlent encore que le parti est fragilisé, surtout chez l’électorat francophone et en région. Élections générales de 2018 : 24,8% des voix, déjà en déclin par rapport à ses standards passés. 2022 : Effondrement historique, le PLQ chute à 14,4%, son pire résultat de l’histoire, derrière Québec Solidaire et le Parti Québécois. 2023-2024 : Reconstruction en cours, entre mars 2023 et octobre 2024, le PLQ fait une nette remontée, passant de 14% à 28%. Par la suite, en novembre 2024, un léger recul à 26%. Lors d’un sondage avant l’élection partielle dans Arthabaska, aucun chiffre n’est donné pour le PLQ.

En résumé, les chiffres montrent clairement la trajectoire du PLQ qui, aujourd’hui, oscille selon les sondages entre 26 et 29%, après un glissement suivi d’une lente reconstruction renforcée par l’arrivée du nouveau chef Pablo Rodriguez. Le parti reste encore fragile et en développement après l’effondrement historique de 2022.

En ce qui a trait à la Coalition Avenir Québec, le parti est né en 2011 de la volonté de François Legault et Charles Sirois de créer une fracture avec les partis traditionnels, souverainistes et fédéralistes, qui dominaient la politique québécoise depuis plus de 40 ans. Le pari de François Legault était simple : construire un parti nationaliste, pragmatique et centré sur l’économie, capable de rassembler les électeurs fatigués du duel PQ-PLQ. Dès ses débuts, la CAQ s’est présentée comme le parti du changement et du gros bon sens, promettant de gérer l’État comme une entreprise et de redonner confiance aux citoyens dans leurs institutions. Pendant plusieurs années, la CAQ a dû se battre pour exister, oscillant autour de 20 à 25% dans les sondages et peinant à s’imposer face aux machines libérales et péquistes. Mais à partir de 2018, le parti réussit sa percée, porté par un discours sur la baisse des impôts, la valorisation de l’identité québécoise, la promesse d’effectuer une réforme du scrutin et la promesse de réformer en profondeur la santé et l’éducation. Lors des élections de cette même année, François Legault devient premier ministre avec 74 sièges. Cette victoire marque le début d’un nouveau cycle au Québec. En 2022, la CAQ triomphe lors des élections en rapportant 90 sièges et 40% des voix, presque les pleins pouvoirs. Legault incarne alors la nouveauté et l’efficacité porté par un capital de confiance immense suite à une pandémie de deux ans.

Cependant, plusieurs zones grises ont entaché les sept années au pouvoir de la CAQ avec François Legault à sa tête. Des soupçons de corruption implicites sans scandale aussi massif que ceux qui ont éclaboussé le PLQ à l’époque de l’UPAC, la CAQ n’échappe pas aux critiques de copinage, de favoritisme et de manque de transparence. Même si François Legault avait garanti qu’il n’y aurait pas d’amis du parti si la CAQ était portée au pouvoir, plusieurs accusations récurrentes de favoritisme ont été portées envers des amis ou des alliés économiques dans l’octroi de contrats ou le choix de projets industriels (Northvolt, Rona, SAAQclic, etc.).

Un bon exemple de ce copinage est le cas de Stéphane Le Bouyonnec, un candidat-vedette dans la circonscription de La Prairie en 2018 qui est présenté par François Legault comme une figure-clé : entrepreneur, président du parti, garant de crédibilité économique. En août 2018, la Presse révèle qu’il avait été président de la Société Finabanque, active dans le secteur des prêts usuraires en ligne. Ces prêts, souvent octroyés à des personnes vulnérables, affichait des taux d’intérêt annuels allant jusqu’à 1000%. Ce modèle d’affaires, jugé immoral par plusieurs, contredisait directement l’image d’intégrité et de bonne gouvernance que la CAQ cherchait à promouvoir avec Stéphane Le Bouyonnec. Une vive réaction face à cette tempête médiatique a eu pour conséquence de l’obliger à démissionner de son poste de président de la CAQ ainsi que de retirer sa candidature dans La Prairie. Après l’élection de la CAQ, François Legault nomine Stéphane Le Boyonnec en 2019 vice-président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), un poste stratégique de surveillance des institutions financières. Ce choix provoque un tollé : comment un ex-dirigeant d’une société de prêts usuraires peut-il se retrouver à réguler le secteur des finances? Les partis de l’opposition, notamment Québec Solidaire et le Parti québécois, dénoncent un copinage flagrant et un manque de rigueur éthique. Devant cette nouvelle controverse, il démissionne de l’AMF après seulement quelques semaines. L’affaire Le Bouyonnec laisse une double trace : elle affaiblit l’image d’intégrité de la CAQ et elle illustre le problème récurrent du parti avec ses amis économiques qu’on retrouve dans les dossiers tels que Fitzgibbon, Northvolt, SAAQclic, etc.

Notons aussi le cas de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie visé plusieurs fois par la commissaire à l’éthique pour ses liens d’affaires non déclarés et ses investissements personnels dans des entreprises liées à des projets gouvernementaux. En 2021, il doit quitter temporairement le conseil des ministres à cause d’un conflit d’intérêts financiers. La commissaire à l’éthique a conclu qu’il détenait encore des participations dans deux entreprises privées (White Star Capital et Immervision) qui avaient des liens directs ou indirects avec l’État québécois, dû à son refus de placer ses actifs en fiducie sans droit de regard comme l’exige la loi. Malgré sa volonté de vouloir le protéger, François Legault a dû l’exclure du conseil des ministres, car la pression politique et médiatique était trop forte. Pierre Fitzgibbon est le premier ministre québécois, depuis l’adoption de la loi sur l’éthique en 2010, à être forcé de démissionner pour cette raison. Par la suite, il réintègrera le conseil des ministres, ce qui est un symbole de la tolérance du gouvernement envers ses proches. Une deuxième prise aura lieu en mars 2022. La commissaire à l’éthique le blâme encore une fois, cette fois pour son insistance à intervenir dans certains projets industriels, dont ceux liés à Investissement Québec, alors qu’il avait des liens personnels et financiers avec les acteurs concernés. Devant la répétition des manquements, il quitte une deuxième fois le conseil des ministres. Encore une fois, il sera réintégré quelques mois plus tard, car François Legault refusait de se passer de son ministre «Deal maker» et justifiait son retour en disant que « Les Québécois veulent des résultats, pas de la paperasse. » Troisième prise et démission finale : Le 3 septembre 2024, Pierre Fitzgibbon annonce sa démission complète, quittant non seulement ses fonctions ministérielles, mais aussi son poste de député de Terrebonne avec effet immédiat. Il met ainsi un terme définitif à sa carrière politique pour des raisons personnelles, selon les communiqués officiels. Cependant, le contexte est lourd : c’est la troisième enquête de la commissaire à l’éthique lancé contre lui, cette fois en lien avec le dossier Northvolt. Ce dossier suscite des inquiétudes grandissantes : manque de transparence, risques financiers publiques élevés (environ 7 milliards de dollars) et retard du projet. Tout cela contribue à minimiser publiquement sa position. François Legault parle alors d’un départ surprise mais respecté, confirmant qu’il s’agissait d’une décision mûrement réfléchie, prise en commun accord. Ces trois épisodes ont alimenté la perception que la CAQ tolère un niveau d’opacité et de proximité avec les affaires privées qu’on n’avait pas vus depuis l’époque des grands scandales du PLQ de Jean Charest. Pierre Fitzgibbon est devenu le symbole du copinage caquiste nommé par les partis d’opposition comme étant : le « ministre des amis du parti » selon le PQ et le « ministre des conflits d’intérêt » selon QS. Malgré cela, François Legault l’a toujours défendu, préférant prendre le risque politique de le garder, car il le voyait comme indispensable pour attirer les grands projets comme Northvolt.

Parmi les bons coups de la CAQ et de François Legault, citons la gestion de la pandémie entre 2020 et 2022. Au début de la Covid-19, François Legault incarne une figure rassurante, parlant directement aux Québécois, chaque jour à treize heures. Son ton paternaliste séduit et ses taux de confiance atteignent 70% en 2020. Bien que critiqué pour certains choix, il a su donner l’image d’un père de famille rassurant. Ses succès électoraux sont la preuve que la CAQ a brisé le bipartisme historique, s’imposant comme le parti dominant au Québec en 2018 et 2022. Des grands projets industriels voient le jour et attirent plusieurs investissements étrangers massifs, dont Northvolt en 2023, présenté comme un projet-phare de la transition énergétique et une source de milliers d’emplois. De plus, sa position nationaliste pragmatique, en refusant à la fois le fédéralisme sans condition du PLQ et l’indépendantisme du PQ, a longtemps réussi à incarner une troisième voix crédible.

D’un autre côté, la CAQ et François Legault présente aussi des faiblesses. Le troisième lien Québec-Lévis, une promesse-phare constamment remodelée (autoroute, tunnel, transport collectif, retour à l’autoroute), est devenu le symbole d’un gouvernement hésitant, accusé de promesses opportunistes selon la pression électorale dans la région de Québec. Le projet SAAQclic en 2023 s’avère un fiasco monumental qui mènera à une très grosse commission d’enquête publique en 2024-2025 et qui pourrait encore s’étaler sur plusieurs mois, voire quelques années. Des files interminables, des citoyens incapables de renouveler leur permis, des problèmes de sécurité informatique : une véritable humiliation publique pour un gouvernement qui se vantait de « gérer comme une entreprise ». La pandémie de Covid-19, derrière l’image rassurante, a aussi été en réalité dramatique : plus de 4000 morts au printemps 2020 dans les résidences pour aînés, faute de préparation et de ressources. Cette tragédie laisse une trace indélébile dans le bilan de la CAQ. Le projet Northvolt, malgré son prestige, a été vivement critiqué pour son manque de transparence, ses consultations environnementales bâclées et ses soupçons de favoritisme envers une multinationale. Érosion de son image, après son triomphe de 2022, François Legault voit sa popularité plonger rapidement, la CAQ passe de 40% dans les sondages à entre 16 et 18% en 2025. L’usure du pouvoir, combiné aux scandales et au recul stratégique, fragilise son aura.

Les chiffres des sondages sont comme un électrocardiogramme de la vie politique de la CAQ : il montre le pouls d’un peuple, ses emballements et ses désillusions. Pour la CAQ, la ligne est d’abord montée en flèche, avant de s’essouffler brutalement, révélant l’usure du pouvoir et l’accumulation des faux pas. 2012 : première percée à 27%, elle devient opposition officielle. 2014 : Résultats en demi-teinte, mais François Legault survit politiquement. 2018 : grande victoire avec 74 sièges. 2022 : triomphe avec 90 sièges, 40% des voix. 2023 à 2025 : descente marquée, autour de 20% en 2024, puis 16 à 18% en 2025, conséquence du mécontentement sur le troisième lien, SAAQclic, Northvolt et un style jugé arrogant. 2025 lors de la partielle dans Arthabaska : humiliation totale, le candidat caquiste termine quatrième derrière le PQ, le PCQ et le PLQ.

La CAQ est passée d’un parti porteur d’espoir en 2018 au parti de la désillusion en 2025. François Legault, autrefois perçu comme un gestionnaire rassurant, est désormais perçu comme un homme arrogant et accusé de diriger un gouvernement qu’il l’est tout autant, marqué par des reculs, des promesses rompues et une proximité douteuse entre affaires privées et politique. Après avoir incarné la nouveauté et l’efficacité, la CAQ est désormais associée à des reculs et à une perte de confiance. Le défi pour François Legault aujourd’hui, à presque un an des élections générales de 2026, sera de démontrer que son gouvernement peut encore incarner le changement, sans quoi le PQ et le PLQ pourraient récupérer l’espace politique pendant huit ans.

En ce qui a trait à Québec Solidaire, le parti est né en 2006 de la fusion de l’Union des forces progressistes (UFP) et d’Option citoyenne (OC), s’affirmant comme une force souverainiste, féministe, écologique et altermondialiste. Lors du congrès de mai 2017, Manon Massé devient co-porte-parole féminine du parti et Gabriel Nadeau-Dubois, figure emblématique du printemps érable de 2012, devient co-porte-parole masculin, redonnant une énergie nouvelle à Québec Solidaire. Cette nouvelle équipe se fait élire en 2018 avec 10 sièges, puis à 11 sièges en 2022, signe d’un ancrage parlementaire régional consolidé, notamment à Montréal et dans quelques régions.

Parmi ses élus populaires, Catherine Dorion, qui s’est fait élire en 2018 dans Taschereau, incarne une voix anti-conformiste et une sensibilité plus artistique, elle est considérée comme provocatrice et indépendante. Elle se distingue également par son refus strict d’adopter le code vestimentaire à l’Assemblée nationale. Par exemple, t-shirt, coton ouaté et bottes de cuir, ce qui lui vaudra une réprimande officielle en 2019. Suite à des dissensions et des désaccords dans le parti, elle annonce publiquement et officiellement qu’elle ne se représentera pas aux élections générales de 2022. En 2023, elle publie un livre critique du fonctionnement institutionnel québécois, dénonçant le rôle parlementaire comme « zombies tribunaux » et pointant du doigt Gabriel Nadeau-Dubois pour son style de leadership jugé trop centralisateur.

En novembre 2023, Manon Massé annonce quitter ses fonctions de co-porte-parole féminine pour des raisons de santé, mais elle reste députée dans Sainte-Marie-Saint-Jacques. En 2023, suite au départ de Manon Massé, Émilise Lessard-Therrien devient la nouvelle co-porte-parole féminine de QS. En mars 2024, elle critique publiquement le virage jugé trop prudent de Gabriel Nadeau-Dubois, parlant d’un passage naturel à la stratégie calculée qui aurait démobilisé les militants. Elle annonce donc quitter son rôle de co-porte-parole. Suite à son départ, Ruba Ghazal est nommée co-porte-parole féminine le 16 novembre 2024. Le 20 mars 2025, Gabriel Nadeau-Dubois annonce sa démission comme co-porte-parole masculin et chef parlementaire, évoquant deux années difficiles pour QS. Il indique également qu’il ne sera pas candidat aux élections générales de 2026, bien qu’il continuera comme député jusqu’à la fin de son mandat actuel. Suite à la démission de Gabriel Nadeau-Dubois, Guillaume Cliche-Rivard devient co-porte-parole masculin par intérim, marquant le début d’une transition difficile dans le leadership du parti.

Parmi les bons coups de Québec Solidaire, citons l’efficacité du tandem Massé-Nadeau-Dubois via la modernisation de l’image, la cohérence programmatique (écologie, logement, services publics) et la professionnalisation de l’opposition. Ensemble, ils ont réussi l’institutionnalisation et le passage d’un parti surtout militant à un groupe parlementaire solide de 10 à 11 sièges, tout en gardant une base militante active. Ses marques idéologiques claires, son discours constant sur le climat et la justice sociale et sa présence médiatique et numérique forte lui ont permis de fixer l’agenda sur certains dossiers. Son renouvellement générationnel ainsi que sa capacité à attirer des jeunes électeurs et des candidatures issues des mouvements sociaux (ex : printemps érable de 2012) lui ont permis de soulever l’appui de la population.

Mais Québec Solidaire a aussi des faiblesses : par exemple, ses tensions au sein du leadership et la centralisation, très critiquée à l’interne à plusieurs reprises, sur son style jugé trop prudent et calculé. Émilise Lessard-Therrien quitte en dénonçant l’épuisement et des difficultés de fonctionnement au niveau du leadership. Le livre de Catherine Dorion remet en cause la culture parlementaire et la direction, ce qui alimente la perception d’un décalage entre l’ADN militant et l’appareil. Les conversations limitées hors bastions démontrent sa difficulté persistante à transformer l’activisme en gain durable en région moins urbaine, malgré quelques percées. La crise de l’image 2024-2025 a été perçue comme un feuilleton des démissions et est une critique publique qui brouille le message et détourne l’attention du programme. Les accusations contre GND provoquent de vives critiques internes, dû à son style trop pragmatique ou centralisateur, son lissage de discours qui démobiliserait une partie de la base. Ce sont des opinions et témoignages, pas des constats d’instances indépendantes, mais ils ont eu un impact réel dans l’espace médiatique.

Québec Solidaire est passé d’un parti militant à une force politique qui flirte régulièrement avec 15 à 18% dans les intentions de vote des sondages. Ces chiffres se traduisent à la fois par l’élan d’un mouvement progressiste bien implanté à Montréal et ses limites à s’imposer comme véritable alternative provinciale. Les sondages le démontrent bien. 2018 : QS obtient 16,1% des voix avec 10 sièges. 2022 : QS obtient 15,4% des voix avec 11 sièges. Après 2022, la tendance générale oscille entre 13 et 17% dans l’opinion publique. En 2024, stabilité avec quelques points à plus ou moins 17%. Début 2025, pré-démission GND : autour de 10 à 12 %. Printemps 2025 : Post-démission de GND, QS se retrouve sous pression entre 8 et 12%. Lors des élections partielles dans Arthabaska du 11 août 2025, QS aura obtenu un pourcentage de 1,47% des suffrages pour un total de 548 voix obtenues, ce qui la classe en 5e et dernière position. Mi-août après Arthabaska : vers 16% dans les intentions de vote.

Québec Solidaire, animée par une vision écologiste et féministe, a su se démarquer et s’institutionnaliser sans perdre totalement son caractère contestataire, mais cette montée s’est faite avec des tensions internes croissantes : les critiques d’une direction intellectuelle et épuisante des personnalités de référence qui ont mené entre autres à la démission de GND, ce qui a marqué la fin d’une ère pour Québec Solidaire. Il lui faudra trouver un nouvel équilibre entre maintien de l’élan militant et consolidation institutionnelle.

En conclusion, en observant l’évolution du paysage politique québécois, on voit se dessiner un nouveau cycle : le Parti québécois, qu’on croyait condamné à disparaître, a su trouver dans la cohérence et la discipline un second souffle qui en fait aujourd’hui une alternative crédible à la CAQ et au PLQ. Le Parti conservateur du Québec, de son côté, malgré les efforts médiatiques d’Éric Duhaime, reste prisonnier d’une base militante populiste qui séduit sans convaincre sa base électorale. Le travail sera également ardu pour le Parti libéral, qui devra se reconstruire et s’éloigner de l’héritage néfaste et corrompu de l’ère Charest et Couillard. Pour ce qui est de la Coalition Avenir Québec, autrefois synonyme d’efficacité et de changement, elle symbolise désormais l’usure du pouvoir et l’arrogance d’un gouvernement qui a multiplié les faux pas. Quant à Québec Solidaire, miné par ses divisions internes et les départs récurrents, surtout celles de ses figures marquantes, peine à maintenir le fragile équilibre entre mouvement social et parti institutionnel.

À travers ses forces et ses faiblesses, une constatation et conclusion s’impose : la politique québécoise est entrée dans une phase de recomposition majeure. Le PQ y voit une occasion historique, le PCQ, une frustration persistante, le PLQ, une nouvelle identité, la CAQ, un avertissement sévère et QS, un moment de vérité. Le véritable enjeu n’est plus de savoir qui crie le plus fort ou qui contrôle le mieux les réseaux sociaux, mais bien de savoir qui saura gagner la confiance durable des Québécois, car, dans un contexte d’inflation, de crise climatique et de cynisme croissant, les électeurs n’ont plus envie d’entendre scander des slogans. Ils attendent plutôt des projets crédibles, réalistes et porteurs d’espoir. Le véritable objectif pour ces cinq partis sera de se démarquer en convainquant l’électorat québécois au cours de la prochaine année pré-électorale qu’ils seront le meilleur parti pour gouverner le Québec et tenter de régler les crises sociales et économiques qui touchent la santé, l’éducation, le logement, le coût de la vie et l’environnement.

 

Texte écrit par H@xxlll en collaboration avec Bookine



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